vendredi 2 novembre 2012

Amel Mokhtar : Ecrire, c’est exister…



D’un roman à l’autre, elle affirme qu’elle est née pour être écrivaine. Rebelle jusqu’à la moelle, elle continue à se battre contre les rigorismes, à sa façon. Mais elle n’est jamais satisfaite. 
Quand on parle littérature, on pense,  entre autres,  à elle. Amel Mokhtar tient le haut du pavé littéraire grâce à une écriture zen, dépouillée des fioritures inutiles et exagérées. Elle est là, elle écrit et elle crée l’événement avec chaque roman dont elle accouche,  après des mois et parfois des années de méditation. "Mes romans, je les élabore, je les imagine dans ma tête comme des scénarios de films. Je passe de longues périodes à réfléchir à mes personnages, à les esquisser et les peaufiner avant de passer à l’écriture. Moment  heureux et douloureux à la fois",  dit-elle, les yeux pleins de bonheur et d’inquiétude. Du bonheur, parce que l’écriture lui a permis de trouver un nouvel abri, de se retrouver après des moments de tourmente. Et de l’inquiétude, car elle n’est jamais satisfaite. "Je l’ai toujours dit, j’ai grandit dans une prison 5 étoiles luxe. Toute la famille a été à mon service mais toujours dans les règles d’une famille très conservatrice. Je me rappelle très bien que mon père s’occupait personnellement de tous mes besoins, mes frères aussi… Nous avons été, ma mère et moi, les seules femmes de la maison et je pense que nous avons été influencées par cette ambiance patriarcale. Mon père est un artiste raté. C’est un bricoleur qui a le don de créer avec n’importe quel matériau une œuvre d’art… A son époque, les artistes étaient un peu mal perçus", se souvient-elle. Fière de ce père qui lui a permis dans sa luxueuse prison de découvrir les chefs- d’œuvre de la littérature arabe, l’écrivaine a remplacé son nom de famille par celui de son père. Et par conviction et non obligation, Amel Ayari est devenue tout simplement Amel Mokhtar. Bien qu’elle soit titulaire d’une maîtrise en sciences naturelles, elle a choisi d’écrire.

Le roman, ma thérapie et ma patrie
"L’écriture m’a permis de me découvrir, de respirer, de trouver la force pour continuer… J’ai croqué la vie à pleines dents et je l’ai vite consommée pour tomber par la suite dans le vide. L’écriture m’a sauvée et m’a rendu la vie… C’est ma patrie !" note l’auteure qui se penche ces jours-ci sur un nouveau roman. Le titre et l’histoire ? Elle préfère ne rien dire. "Je prends tout mon temps pour raconter des histoires qui sont généralement à la croisée des chemins entre le réel et le fictif" précise Amel Mokhtar dont les romans ont fait couler beaucoup d’encre. Elle est née avec "Toast de la vie" (Nakhb al Hayat), publié au Liban et réédité trois fois… On attend avec impatience ses écrits et on dévore les lignes de ses romans avec plaisir. Egale à elle-même, elle a choisi de continuer sa bataille, librement. Pour les accusations dont elle a été l’objet, elle préfère ne pas y penser. Rebelle, Amel Mokhtar a choisi de briser les tabous et de s’attaquer à ces non-dits qui pèsent lourdement sur notre société. "Nous subissons le poids des traditions. Pourquoi devrions-nous continuer à supporter ce lourd héritage? Arrêtons d’être hypocrites et d’appréhender le corps comme s’il s’agissait d’une chose honteuse. Je me demande pourquoi les gens trouvent un malin plaisir à parler en cachette du cœur et du corps et me condamnent quand je relate ces histoires ?" s’insurge-t-elle. Féministe? Elle refuse toutes les formes de classification et de ségrégation car, pour elle,  l’écriture n’a pas de sexe. Elle écrit pour tous ses lecteurs, hommes et femmes, jeunes et adultes. Elle écrit pour le plaisir d’écrire et c’est l’essentiel. Et elle assume pleinement ce qu’elle écrit. De son premier roman "Le toast de la vie" (Nakhb al Hayat) jusqu’à "Le fauteuil à bascule" (Al korsi al hazzaz), son dernier roman, paru il y a une année, en passant par "Maestro" et "Le titan a un beau visage", Amel Mokhtar sait bien retenir son lecteur. Usant d’une trame technique et esthétique unique, elle a mérité le respect du public comme de la critique. Et quand ces propos accueillants et encourageants émanent de plumes de référence ici comme ailleurs, comme le penseur marocain Mohamed Abed Jabri, Amel Mokhtar ne peut que continuer à faire l’apologie de la vie. Elle se souvient de tous les éloges comme de tous les reproches. Elle assume. Elle signe ses ouvrages dans une langue arabe élégante. La narration bien ficelée, sans bavardage et sans excès, elle sait bien susciter l’admiration et l’éblouissement. 
"Seule dans une société qui fait l’apologie de la laideur", Amel Mokhtar continue à chercher cet autre qu’elle sait pertinemment qu’il ne peut jamais être avec elle et qu’elle sera toujours seule, même en sa présence. Que dire de plus !

Imen ABDERRAHMANI 

Son carnet intime

Son livre de chevet ?
"Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez.
Sa musique préférée ?
La musique instrumentale qui donne à l’auditeur l’opportunité de mettre ses propres paroles.
Sa voix préférée ?
J’adore Oum Koulthoum, Mohamed Abdelwaheb, Abelhalim Hafedh, Najet Essaghira, Farid El Atrach…
Sa ville préférée ?
Paris, une ville où on respire la liberté. Puis Damas et Beyrouth.
Son coin tunisien favori ?
Les espaces ouverts, les villes où on peut écouter la nature, où on peut méditer. J’aime bien écouter le dialogue entre la mer et la montagne sur les collines de Gammarth et Sidi Bou Said.
J’adore aussi Kesra, Makthar, le Kef… ce sont des villes faites pour la méditation et la contemplation. 
Sa fleur préférée ?
J’adore les roses et le parfum du jasmin et du "fell".

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